samedi 26 août 2017

LE BLOG DEMENAGE !

A partir d'aujourd'hui, le blog déménage ! Les nouveaux articles seront désormais publiés ici : http://educateur-canin-moselle.com/index.php/blog/

J'ai transféré les anciens articles sur le nouveau blog, ainsi vous n'en perdrez pas une miette 😉 Je laisse ce blog en activité à des fins d'archives, pour que les liens publiés lors de la parution initiale des articles ne soient pas brisés.

A tout de suite sur le nouveau site !


vendredi 7 octobre 2016

LE CONDITIONNEMENT, C’EST LE MAAAAAAL !



En ce moment, sur le net, je vois fleurir les articles clouant au pilori le conditionnement en éducation canine, et l’accusant de tous les maux. Des gens connus et des gens moins connus nous annoncent comme une révolution qu’ils ont décidé d’arrêter d’éduquer les chiens, parce que l’éducation c’est du conditionnement, que le conditionnement c’est de la manipulation mentale, et que la manipulation c’est mal, bouh, méchants humains qui font ça à leurs chiens ! Et ces articles font des émules, comme si d’un coup, on se rendait compte d’un truc incroyable, auquel on n’a jamais pensé avant !

Ok les gars, on s’arrête deux minutes et on réfléchit à ce qu’on raconte.




Définition du conditionnement : acquisition ou renforcement d'un comportement, d'une habitude par un système de corrélations entre un stimulus et une réponse.

Définition de manipulation mentale : action exercée sur la conscience d'autrui pour la contrôler dans un but généralement pervers.

Définition d’apprentissage (puisque c’est bien de cela qu’il est question en éducation) : ensemble des processus de mémorisation mis en œuvre par l'animal ou l'homme pour élaborer ou modifier les schèmes comportementaux spécifiques sous l'influence de son environnement et de son expérience.



1) Où est la notion de manipulation dans la définition du conditionnement ? Ne serait-ce pas la manière d’utiliser le conditionnement qui en fait de la manipulation ? Mmmmh ? Cf. publicité, religions, politique, etc.

2) Citez-moi une seule façon d’apprendre chez le chien qui n’est pas un conditionnement… Sauf erreur de ma part, aucune ! Imitation, association, essai-erreur, répétition, immersion… Toutes sont un conditionnement. On garde bien à l'esprit que le stimulus peut venir de l'environnement et la réponse du chien OU le stimulus peut venir du chien et la réponse de l'environnement. Et que le conditionnement n'inclue pas obligatoirement un commandement ! 

3) Même quand on ne veut pas conditionner, on conditionne ! Vous avez appris à votre chiot à faire ses besoins dehors ? Vous avez conditionné. Votre chien aboie parce que vous n’ouvrez pas la porte assez vite à son goût, ça vous casse les oreilles alors vous vous dépêchez d’ouvrir ? Vous avez conditionné (et il vous a conditionné ;) ). 

4) Le chien n’a pas besoin de nous pour être conditionné, il le fait bien souvent tout seul ! S’il renifle un hérisson et se pique le nez : il ne reniflera plus les hérissons. Il s’est conditionné. S’est-il pour autant manipulé lui-même ???



J’entends parler de modèle collaboratif, de traiter son chien comme un ami, en égal, etc. Mais n’est-ce pas ça la base de notre métier ? Parce que, soit on aime les chiens pour ce qu’ils sont vraiment (des individus avec leur personnalité, leurs envies, les trucs qu’ils aiment, qu’ils n’aiment pas, etc.) et on est dans un modèle collaboratif / ami / égal / respectueux sans même y réfléchir ; soit on aime les chiens pour une autre raison et là il est grand temps de se remettre en question !


Il va falloir arrêter de blâmer le conditionnement, et commencer à blâmer ceux qui l’utilisent à des fins de mécanisation, de robotisation, de dépersonnalisation du chien !




Non à l'animal-machine !

dimanche 2 octobre 2016

LE COTE SOMBRE DE LA SOCIALISATION : LES PERIODES DE PEUR ET L’APPRENTISSAGE PAR EVENEMENT UNIQUE

Je me documente beaucoup sur le chien et tout ce qui y a trait, de près ou de loin. Je lis énormément de publications, qui sont pour beaucoup en anglais, nos collègues outre-Atlantique étant plus avancés que nous dans l’étude du comportement et l’éducation respectueuse du chien. 

Au cours de mes pérégrinations sur la toile, je suis tombée sur un article, écrit par le Dr Jen, que j’ai eu envie de partager avec vous pour deux raisons :
  • d’une part il traite d’un sujet très important et souvent oublié : les périodes de peur dans le développement du chien, qui peuvent avoir des répercussions durables sur le comportement et l’équilibre du chien, et qui doivent être prise en considération
  • l’utilisation des « clôtures invisibles », qui pour moi devraient être interdites à la vente au même titre que les autres colliers électriques (à décharge ou à spray) car elles créent des dommages graves sur les chiens


Je vous propose ci-dessous une traduction de l’article, dont voici le lien vers l’original : http://www.drjensdogblog.com/the-dark-side-of-socialization-fear-periods-and-single-event-learning/
Si vous constatez une erreur dans ma traduction, n’hésitez pas à me la signaler, mon anglais est un peu rouillé malgré tout…


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Il y a des années, quand j'étais étudiante vétérinaire senior, travaillant comme externe avec le service de comportement clinique de l’OSU, j'ai vu un cas qui est resté gravé dans ma mémoire et n'a jamais disparu.

La patiente était une belle femelle berger allemand de 3 ans, que je vais appeler Heidi. Elle était une chienne attachante à bien des égards - amicale et douce avec les gens, très éveillée, et rapide dans l’apprentissage. Dans la salle de consultation, elle était calme et bien élevée, nous approchant facilement avec la queue qui remue pour avoir des caresses et des friandises.

Heidi avait un défaut, et malheureusement, il était grave - elle était intensément, violemment agressive envers les autres chiens. Elle a dû être amenée à l'hôpital vétérinaire par une entrée à l’arrière du bâtiment pour éviter d’avoir à traverser le hall, et il a fallut s’assurer soigneusement qu'elle ne rencontre pas d'autres chiens sur son chemin, dans ou hors de l'immeuble. Sa propriétaire était une petite femme d'âge moyen, qui aimait Heidi et était profondément attachée à elle. Elle gérait les agressions d’Heidi du mieux qu'elle pouvait depuis longtemps, mais les choses empiraient.

L'incident qui l'a finalement incitée à chercher un vétérinaire comportementaliste avait eu lieu la semaine précédant sa visite chez nous. Un petit chien sans laisse, appartenant à un voisin dans sa résidence, les avait approchées, elle et Heidi, au cours de leur promenade quotidienne. Elle a essayé de tirer Heidi avec elle et de s’éloigner rapidement dans la direction opposée mais l'autre chien a commencé à courir vers elles, et Heidi est devenue frénétique pour l’atteindre, grognant et s’époumonant au bout de sa laisse. En désespoir de cause, sa propriétaire a plaqué Heidi au sol et s’est couchée sur elle, en utilisant son poids corporel pour garder son chien de 80 livres qui se  débattait cloué au sol, jusqu'à ce que l'autre chien ait été récupéré en toute sécurité par un voisin et emmené ailleurs.




Le propriétaire, en larmes quand elle nous a raconté l'histoire, a conclu en déclarant qu'elle était certaine qu’Heidi aurait tué l'autre chien si elle avait été en mesure de l'atteindre.

Une triste histoire et une situation difficile, c’est sûr, mais pas différente d'autres cas que nous avons vus au service comportement. La plupart des problèmes d'agressivité chez les chiens peut être reliée à une combinaison passée de mauvaise socialisation, de premières expériences négatives et / ou de prédisposition génétique à la crainte, mais le cas de Heidi se distingue pour moi à cause de quelque chose d'inhabituel dans son histoire - son comportement agressif avait été déclenché très brusquement, en réponse à un seul incident traumatique précisément au mauvais moment de sa vie.

Selon sa propriétaire, Heidi était amicale et joueuse depuis ses huit semaines, ne présentant aucun des signes avant-coureurs que nous voyons si souvent chez les chiots craintifs. Les deux parents avaient des tempéraments exceptionnels, et étaient sympathiques avec les gens et les chiens. Elle allait quotidiennement en promenade avec sa propriétaire et rencontrait régulièrement des étrangers et d'autres chiens sans aucun problème. Jusqu'ici tout allait bien.

Alors qu'est-ce qui a mal tourné ?


La cour avant de la maison d’Heidi avait une clôture électrique souterraine jumelée avec un collier électrique, système communément connu sous le nom de « clôture invisible ». Elle avait aussi un ami canin en particulier avec qui elle aimait jouer, un jeune croisé Labrador qui appartenait à un voisin. Le chien venait souvent dans la cour d’Heidi pour jouer avec elle, et on pouvait les voir tous les deux luttant et se chassant l’un l'autre autour de la maison presque tous les jours.

Un après-midi quand Heidi avait environ sept mois, quelque chose est arrivé.

Elle et son copain chien jouaient et luttaient comme d'habitude quand ils se sont approchés par inadvertance trop près de la limite de clôture. Heidi a reçu un choc électrique par son collier, a gémit de douleur et de confusion, et s’est retournée de manière agressive vers l'autre chien - qui, pour sa part, a réagi pour se défendre et a riposté. Un véritable combat chien a éclaté en un clin d'œil, et les chiens ont dû être séparés physiquement pour pouvoir se calmer.

Dans la plupart des cas, ce type d'incident serait effrayant et désagréable, mais rapidement oublié. Mais pour Heidi, il a changé sa vie.

A partir de là, c’est comme si un interrupteur avait été basculé dans sa tête. Elle bondissait et grognait après le chien du voisin dès qu’il s’approchait de la cour, et n'a plus jamais joué avec lui. Au cours des semaines suivantes, elle a commencé à réagir de manière agressive envers les autres chiens en promenade, au bureau du vétérinaire, et à la fenêtre de la maison. Sa propriétaire avait peine à comprendre pourquoi sa chienne, auparavant douce et gentille, se conduisait soudainement comme Cujo.



La réponse se trouve dans une conjoncture parfaite de variables, assemblées de la pire façon possible.

J'ai parlé de la période de socialisation des chiots dans un post précédent – c’est une phase de développement pendant laquelle les chiots découvrent le monde qui les entoure. Les choses qu'ils voient et qu’ils expérimentent d'une manière positive au cours de cette période seront considérées comme normales par la suite.

Mais - et ceci est un grand MAIS - le revers de la médaille est aussi vrai. Les jeunes chiens passent par deux différentes « périodes de peur » pendant leur croissance, qui sont essentiellement des moments où le chiot est extrêmement sensible à de mauvaises expériences.

La première se produit de manière assez prévisible à l’âge d’environ 8-10 semaines. Le chiot est très jeune à ce moment et les propriétaires gèrent (espérons-le!) son environnement avec soin et l'exposent à beaucoup choses sympathiques à des fins de socialisation, donc souvent cette première période de la peur passe sans signe évident ou changement de comportement - de nombreux propriétaires ne remarquent d’ailleurs pas qu'elle a eu lieu.

La seconde est plus variable, mais pour la plupart des chiens, elle représente une période de 2-3 semaines à la fin de l'adolescence, quelque part entre 6 et 14 mois. Celle-ci est sournoise - elle apparaît lorsque les propriétaires s'y attendent le moins, longtemps après que leur petit chiot soit devenu un adolescent indépendant. À ce stade, la plupart d'entre nous donnons à nos chiens plus de liberté et ne gérons plus aussi minutieusement la manière dont ils interagissent avec le monde. Ca peut être un choc, donc, quand il arrive quelque chose à cet âge qui remet toutes nos suppositions en question.

Alors que se passe-t-il pendant la période de la peur, exactement ?


Vous remarquerez peut-être que votre chien adolescent, précédemment amical et confiant, devient effrayé par certaines choses qui normalement ne le dérangent pas ... peut-être qu'il refuse d'aller à proximité d'un nouveau drapeau de jardin dans la cour, ou aboie sur un homme avec une barbe qui lui dit bonjour dans la rue. Cette augmentation soudaine de la suspicion et de la réactivité envers les choses de son environnement est normale - aussi longtemps que vous restez de bonne humeur et ne faites pas grand cas du problème, ça va passer tout seul et vous aurez votre compagnon familier et enjoué de retour en 2-3 semaines.

La partie dangereuse est la suivante : au cours de ce stade de développement particulier, le cerveau de votre chien est instable (« à fleur de peau »), extrêmement sensible à tout ce « mauvais » qui peut se produire. Une unique expérience effrayante ou douloureuse pendant la période de peur peut avoir un impact durable pour le reste de la vie de votre chien.

Ce phénomène est appelé l’apprentissage par événement unique - ce qui signifie qu'il suffit d'une seule expérience pour entraîner une réaction émotionnelle intense, permanente, à l'élément déclencheur qui l’a causée. Ceci prend tout son sens pour la survie à l'état sauvage, quand un jeune loup a besoin d’identifier clairement un dangereux prédateur sans nécessiter de multiples expériences de mort imminente pour apprendre la leçon. Mais pour nos chiens de compagnie, ce petit « pépin » particulier dans le système de traitement de la mémoire peut avoir des conséquences dévastatrices.

Un exemple on ne peut plus commun :

Quand mon aîné Remy était chiot, il a eu sa première coupe de griffes dès son arrivée chez moi à l'âge de 9 semaines (rappelons-nous que la première période de peur se produit normalement vers 8-10 semaines). Malheureusement, l'une des griffes a été coupée trop court - il a gémit, s’est débattu, et a saigné brièvement. De la poudre hémostatique a été appliquée pour arrêter le saignement, le reste des griffes ont été coupées sans incident, et il semblait parfaitement heureux cinq minutes plus tard.




Pas grand-chose, non ? Pour un chien adulte bien équilibré, probablement pas.

Cependant ... au cours des quelques mois qui ont suivi, la coupe des griffes de Remy est devenue progressivement plus difficile. J’ai pris soin de faire en sorte qu'il ne soit pas « brusqué » à nouveau, et je lui ai donné systématiquement  beaucoup de friandises et de louanges au cours de la procédure par la suite - mais ça ne semblait pas faire de différence. Mon chien, habituellement décontracté et coopératif, devait lutter contre quelque chose qui ressemblait à de la panique, dès que le coupe-griffes faisait son apparition.

Pourquoi ? Parce que sa mauvaise expérience, unique et isolée, lorsqu’il avait 9 semaines, avait toujours encore plus de poids que toutes les suivantes réunies. L’apprentissage par événement unique est une chose puissante.

Et donc, nous avons Heidi. Douce, facile à vivre et appréciant parfaitement les autres chiens... jusqu'au jour où elle ne l’a plus été.

Sa propriétaire a quitté l’OSU ce jour-là en ayant retrouvé du courage, avec un plan de formation pour Heidi et une meilleure compréhension des choses qui ont fait changer sa chienne de cette façon. Et Remy, une fois adulte, a appris à nouveau à se tenir debout confortablement pour la coupe des griffes, après de longs mois de travail minutieux pour surmonter sa peur. Heureusement, ces revers de comportement ne sont pas insurmontables - avec le temps et l'effort, les chiens adultes peuvent apprendre à mieux faire face et former de nouvelles associations plus positives avec les choses qui les effraient.

Alors, que pouvons-nous faire maintenant que nous savons cela ?


Malheureusement, nous ne pouvons pas garder nos chiens dans une bulle. Le monde est un endroit imprévisible, malgré nos meilleurs efforts... nous ne pouvons pas toujours contrôler tout ce qui leur arrive ou comment ils peuvent réagir. Mais nous pouvons essayer de faire en sorte que les expériences effrayantes soient rares au cours de ces périodes sensibles du développement.

Et si de mauvaises choses se produisent, nous pouvons les reconnaître pour ce qu'elles sont, et être proactif pour répondre et traiter la peur avant que les choses empirent.


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Vous en savez maintenant plus sur les périodes critiques du développement comportemental du chien, et vous pourrez ainsi mieux les aborder. N’hésitez pas à partager ce post autour de vous. Encore merci au Dr Jen pour cet article (et tous les autres !) très instructif.




lundi 8 février 2016

Le monde des Bisounours

Non je n’ai pas sniffé des rails de poudre de croquettes, je vous parle bien de Bisounours en étant totalement saine d’esprit.

Bisounours, c’est le surnom mignon que nous donnent les vrais éducateurs canins, vous savez, les virils, qui ont des gros bras et une grosse voix, qui entrent sur un terrain d’éducation comme on entre en guerre.

Bref, Bisounours = éducateur qui utilise des méthodes positives, et refuse coercition et violence.

Voici quelques idées reçues sur le Bisounours :




1)  Le Bisounours file des bonbons à son chien à tout-va, le chien ne bosse plus que pour la bouffe


Non, nous ne filons pas des bonbons à nos chiens n’importe comment, celui qui fait ça n’a rien compris aux modes d’apprentissage du chien. Le bonbon est donné à un moment bien précis, il ne serre quasiment jamais de leurre (leurrer un chien ne lui apprend rien) : il est là pour renforcer un comportement qu’on veut voir se reproduire. Le bonbon sert pendant l’apprentissage, et est ensuite remplacé par la félicitation vocale ou la caresse, si on le souhaite. Si votre chien devient un obsédé de la bouffe, et ne vous écoute que si vous avez une friandise en main, vous vous êtes planté quelque part.

Par ailleurs, certains parmi ceux qui distillent cette belle idée reçue, ne nourrissent leur chien que si celui-ci leur a donné satisfaction pendant le travail. En gros, le chien qui a « bien » travaillé a le droit de manger, celui qui n’a pas « bien » travaillé n’est pas nourri. Et là, à votre avis, le chien, il bosse pour quoi ? Les beaux yeux de son maître ???



2) Chez le Bisounours, les règles n’existent pas, c’est l’anarchie totale


Alors là, je vais sans doute casser le plus gros mythe de l’éducation positive : nos chiens ont des règles à suivre !

Premièrement parce que c’est ESSENTIEL pour leur équilibre : un chien a besoin d’un cadre de vie clair et stable pour être bien dans ses pattes. Et comme nous, les Bisounours, notre trip c’est d’avoir en premier lieu un chien bien dans ses pattes… Je vous laisse faire la déduction. Si y a pas de règle, c’est pas du Bisounours, c’est de la connerie.

Deuxièmement parce que nos chiens vivent dans notre monde d’humains, qui présente des dangers pour eux. Si mon chien ne revient pas quand je l’appelle, il peut passer sous une voiture. S’il saute sur la gazinière, il peut se brûler.

Et troisièmement, tout Bisounours que nous sommes, nous tenons nous aussi à nos meubles, nos vêtements, notre voiture… Ben ouais.

Chez le Bisounours, il n’est pas interdit d’interdire. Il est juste interdit d’interdire par la force, c’est là toute la subtilité de la chose. Le Bisounours utilise sa tête, pas ses bras.



3) Chez le Bisounours, on n’a pas le droit de dire « non » à son chien


Cette phrase peut avoir deux significations. Soit, ça sous-entend qu’on n’a pas le droit de mettre des règles de vie : dans ce cas, ça renvoie au paragraphe précédent.

Soit, ça veut dire que le mot « non » est totalement banni lorsqu’on s’adresse à son chien. Sur ce point, il y a souvent une grosse incompréhension. En effet, le Bisounours utilise très peu ce mot, non pas parce qu’il reflète une interdiction, mais parce qu’il n’est pas précis.

Prenons un exemple très simple : disons que votre chien sait que « non », ça veut dire que ce qu’il est en train de faire n’est pas plaisant pour vous et qu’il doit donc changer de comportement. Votre chien saute sur la table et renifle votre assiette. Vous lui dites « non » car vous voulez qu’il redescende. Votre chien cesse de renifler votre assiette, vous regarde en bougeant la queue mais ne descend pas. Ca vous énerve, vous lui redites « non » un peu plus méchamment. Il cesse de bouger la queue, mais il est toujours debout sur la table en train de vous regarder. Pour vous, la coupe est pleine, vous le repoussez violemment en criant « NON !!! », pensant sans doute qu’il se moque de vous, ou pire, tente de vous dominer (le concept de domination fera l’objet d’un autre post).
Ok, reprenons l’exemple, mais cette fois-ci du côté du chien. Il sent une bonne odeur venant de la table, il pose donc deux pattes sur la table et pour mieux sentir d’où vient l’odeur, rapproche son nez de votre assiette. Là il entend « non » : il sait que quelque chose dans son comportement ne vous plait pas, mais il ne sait pas quoi (les pattes sur la table ? le nez près de l’assiette ? le fait qu’il ne vous regarde pas ?). Il change alors quelque chose pour vous donner satisfaction : il choisit de cesser de regarder l’assiette, et à la place vous regarde vous. Il bouge la queue pour vous dire « tu as vu, j’ai compris qu’un truc n’allait pas, est-ce que c’est ça que tu attends de moi ? ». En gros, il a improvisé. Là, il reçoit un « non » plus méchant : dans l’incompréhension, il arrête de bouger la queue et vous fixe. A ce moment là, vous le rejetez violemment au sol en criant.

Qu’a appris ce chien ? D’une part, que « non » est annonciateur de quelque chose de pas cool, et d’autre part, que quand il essaie de se conformer à votre demande, quand il improvise, ça vous énerve. Votre « non » va donc devenir source de stress pour votre chien, et il risque de développer des troubles du comportement suivant son niveau de sensibilité (TOC, peur de vous, de l’humain en général, ou autre).

Alors nous, les Bisounours, nous préférons donner un ordre clair, expliquant ce que le chien doit FAIRE A LA PLACE de ce qu’il fait, plutôt qu’un « non » flou. Nous lui apprenons le mot « descend ». Dans cet exemple, au lieu de nous énerver et de faire monter le stress chez tout le monde, nous lui disons « descend », et le félicitons quand il a ses quatre pattes au sol. On gagne du temps, de l’énergie et en plus tout le monde est content. Et rien n’empêche de dire : « Non (= ce que tu fais ne me convient pas), descend (= ce que tu dois faire à la place) ».



Il y a encore tellement d’idées reçues sur les éducateurs en méthodes positives qu’on pourrait en faire un bouquin…

Moi je vis dans le monde des Bisounours, et je m’y sens bien. Mes chiens aussi. Ceux de mes clients aussi. C’est une philosophie de vie, pas seulement un moyen d’éduquer un chien, et j’invite tous les curieux à entrer dans ce monde, car on y fait des miracles. Pour moi, être un gros dur à gros bras, qui secoue son chien au bout d’un collier étrangleur en gueulant, c’est être dans une totale ignorance de ce que peut être une vraie relation avec un animal, c’est passer à côté de la complicité si épanouissante qu’on peut avoir avec un chien, bref c’est rater l’essentiel.


Allez, je retourne faire du toboggan sur mon arc-en-ciel…


lundi 1 février 2016

Le renforcement et la punition

 Voici un article destiné à vous éclairer un peu sur ces deux notions. Le renforcement et la punition sont utilisés conjointement en éducation canine, quelle que soit la méthode employée.

Dans le langage commun, le renforcement évoque plutôt quelque chose de bien, et la punition quelque chose de mal. Idem pour les mots « positif » et « négatif ». Ce n’est cependant pas aussi simple, et c’est pourquoi les propriétaires de chiens ont parfois du mal avec ces notions.


J’ai donc voulu faire ce schéma, qui, je l’espère, vous apportera quelques éclaircissements sur l’utilisation du renforcement et de la punition en éducation canine. J’ai également fait un tableau, volontairement simpliste, pour vous aider à distinguer rapidement face à quel type d’éducateur ou de moniteur de club vous vous trouvez : vous pourrez ainsi choisir, suivant votre propre conception du chien et de la relation que vous voulez avec lui, de rester ou de partir.



Cliquez sur l'image pour l'afficher en plus grand ou pour pouvoir zoomer dessus



Certains vont dire « Nan mais il est totalement orienté cet article ! Elle bosse en positif alors elle dénigre les autres ! »… Je répondrai que OUI, il est totalement orienté cet article, parce que :

  • premièrement c’est MOI qui l’ai écrit et donc il reflète MES convictions (et toc !),
  • et deuxièmement, il est également le reflet des récentes études sur le comportement canin et les répercutions néfastes des méthodes d’éducation traditionnelles


Donc cet article est orienté… Vers le bien-être de nos chiens. Voilà.

lundi 25 janvier 2016

Le collier "sanitaire" et autres instruments de torture ordinaires

La semaine passée, je suis allée dans une animalerie chercher du canard séché pour mes chiens. Bien sûr, en môman-folle-dingo-de-ses-bébés, je ne peux pas m’empêcher de passer par le rayon jouets. Qui se trouve être juste à côté du rayon laisses et colliers. Là, je vois deux femmes, dont l’une dit à l’autre « Il faudra lui prendre ça à Toutounet après… » en tenant en main le fameux et mal nommé collier « sanitaire » ou « chaînette », bref, un bon vieux collier étrangleur. De qui venait donc ce conseil avisé ?


Collier électrique, collier "sanitaire" et collier étrangleur à pics

Une autre fois, c’est en sortant de chez le véto avec papy Bouli que j’ai vu une scène qui m’a fait froid dans le dos : un homme tenait en laisse deux chiens visiblement pas du même âge. Les chiens étaient en laisse avec accouple (une laisse qui se sépare en deux pour y attacher deux chiens et n’avoir qu’une poignée en main). L’un était plus vif que l’autre et tirait un coup à gauche, un coup à droite, ce qui avait pour effet de tirer violemment l’autre qui faisait autre chose. C’est déjà vraiment pas cool en collier plat, mais ces deux chiens portaient des étrangleurs à pics… Je vous laisse imaginer…

Et ce ne sont que deux exemples de ce que je vois au quotidien, et qui me fait dresser les poils sur la tête. Certains vont trouver ça normal, ben oui : Toutounet tire en collier plat, alors le moniteur du club canin / l’éducateur professionnel (vraiment pro ?) a dit de mettre un collier « sanitaire » et de donner des saccades. Et comme il a continué à tirer malgré tout, alors il a fallut mettre un collier à pics. Il tire moins fort depuis (enfin jusqu’à ce qu’il s’habitue à la douleur). Ca fait des lustres que ces méthodes marchent, alors pourquoi s’emmerder avec un clicker, de la bouffe, tout ça ?


L'étrangleur qui étrangle... Mais pas trop...


Ben oui, pourquoi donc ? 

Je vais vous donner mon avis sur la question, en vous faisant grâce des explications poussées sur les conséquences physiques : dégâts occasionnés sur la trachée, les cervicales, les muscles, l’irrigation sanguine des yeux et du cerveau lorsqu’un chien est régulièrement étranglé, etc. Eh oui, faut pas oublier qu’un collier étrangleur, étrangle, hein ! Je vais aussi passer sur les dégâts comportementaux : peurs, agressivité, hésitation, dépression, et j’en passe.



Je vais m’atteler à 2 points :

1) Est-ce que ça marche ?


Oui, ça peut marcher, et ça a déjà marché sur des chiens. Mais bien souvent ça ne fonctionne que tant que le dispositif est en place sur le chien. Si on lui met un harnais à la place de son étrangleur, il tire. Pourquoi ? Parce qu’il a bien compris qu’avec le harnais, on ne pouvait pas lui faire mal et donc il peut se permettre enfin de faire ce qu’il a envie. Même combat avec l’étrangleur à pics et le collier électrique.

Par contre, ça ne marche pas avec les ours, les dauphins, les rhinocéros, les crocodiles… Le clicker training, si (cf. le medical training dans les zoos).



Le collier électrique, ça fait pas mal au chien. Ah bon ?


2) Bon, alors si ça marche à peu près bien, pourquoi utiliser autre chose ?


Personnellement, si j’ai des chiens, c’est pour que ces chiens soient mes copains, mes bébés, voire mes collègues de travail, et qu’on passe de bons moments ensemble. Mon but est qu’ils soient bien dans leurs pattes, et qu’ils comprennent les règles de ma vie d’humain, pour que notre quotidien soit heureux et joyeux.

Imaginez un instant recevoir des copains à la maison. Vous demandez à l’un d’eux de vous passer le sel, mais comme il est en train de discuter avec sa voisine de table, il tarde à vous le donner. L’étrangleriez-vous ? Et si vous le faisiez, pensez-vous qu’il resterait longtemps votre copain ?

Cette fois c’est votre enfant qui pleure car quelque chose lui fait peur. Ses cris vous cassent les oreilles, et ils ne s’arrêtent pas. Lui mettriez-vous un coup de collier électrique (ou à la citronnelle) pour le faire taire ?

Maintenant, vous êtes au travail. Vous demandez à votre collègue de vous passer le document X. Il a mal compris votre demande et vous passe le document Y. L’étrangleriez-vous pour autant ?



La version "à pics" pour ceux qui n'assument pas
(de l'extérieur on dirait un collier plat)


Ces situations vous paraissent aberrantes ? Inconcevables ? Alors pourquoi le faites-vous avec votre copain/bébé/collègue canin ? Pensez-vous qu’en lui faisant cela, il est heureux d’être en votre compagnie ? Qu’il vous fait confiance, qu’il se fie à vous dans les situations stressantes pour lui ? Que ses promenades ou ses séances d’éducation lui sont agréables ? Qu’il est bien dans ses pattes ?


La question à se poser est donc très simple : ce n’est pas « est-ce que ça MARCHE ? », mais « qu’est-ce que je souhaite comme RELATION avec mon chien ? ». A vous de trouver la réponse.



samedi 15 août 2015

Qui suis-je ?

Mes deux amours
Bienvenue sur mon blog !

Je m'appelle Emmanuelle, je suis passionnée par les animaux (même si ça fait un peu cliché, je ne sais pas comment le dire autrement) et par les chiens en particulier. J'en ai d'ailleurs fait mon métier : je suis comportementaliste et éducateur canin diplômée d'Etat. Je travaille avec des méthodes positives uniquement, et notamment le clicker training.

J'ai deux bulls terriers, mes amours :

  • Bouli le papy cool : il a été abandonné à la SPA lorsqu'il avait 11 ans et y est resté tout un hiver. Il est entré dans mon coeur à la seconde où je l'ai vu, et je l'ai adopté en dépit de tout : son âge, sa probable surdité, son début de cataracte, son intolérance aux congénères (dixit ses anciens propriétaires)... Quand je l'ai récupéré, il était maigre (17,5 kg), avait beaucoup d'arthrose, une gale des oreilles avec une grosse otite, une prostatite qui avait infecté la vessie, des dents tellement couvertes de tartre qu'on ne voyait plus de blanc, des petites grosseurs un peu partout, et tout ça ne datant pas d'hier... Bref, il était dans un sale état et j'ai pris un abonnement chez le véto. Et malgré tout ça, c'était un amour de chien sans une once d'agressivité, et qui s'est laissé de bonne grâce se faire prodiguer tous les soins nécessaires. Aujourd'hui, il fait 24 kg, il entend et voit plutôt bien, plus de prostatite, ni de tartre, et son arthrose est fortement diminuée. Il court, il saute, il adore les balades, il veut jouer avec tous les chiens... C'est un doudou extraordinaire que j'aime de tout mon coeur, mon bébé, mon amour de chien !

  • Jazz la tornade : elle est arrivée chez moi à deux mois. Elle provient d'un très bon élevage mosellan situé à Rombas. J'étais super contente d'avoir un chiot car j'allais pouvoir débuter son éducation de zéro, et à ma façon. J'avais imaginé faire un tas de choses avec elle : des tours rigolos pour épater la galerie, de l'agility pour le fun, peut-être du frisbee ou du dog dancing... Mais le sort en a décidé autrement. Jazz est hyperactive (ou HSHA, nom utilisé pour cette pathologie en France) et nos débuts ont été compliqués. C'est une maladie difficile pour le chien et pour le maître, fatigante, usante même. Jazz est aujourd'hui sous traitement, elle va bien mieux, et nous avons une relation très fusionnelle toutes les deux.

Grâce à mes chiens, j'ai appris énormément sur un tas de thèmes : le comportement, les pathologies, les techniques d'éducation, l'alimentation... J'ai rencontré des professionnels extraordinaires qui me permettent de me perfectionner et d'apprendre de nouvelles choses. Mon métier, quant à lui, m'amène chez des amoureux des chiens à qui j'ai plaisir à transmettre mes connaissances. Eux aussi me poussent à apprendre et à chercher des solutions nouvelles, car chaque chien est unique et chaque famille a ses spécificités.

J'ai créé ce blog pour partager avec vous mes réflexions sur différents thèmes, mes rencontres, mes coups de coeur, mes coups de gueule aussi. Ce que vous trouverez ici n'engage bien sûr que moi. 

J'espère que vous aurez autant de plaisir à lire mes articles que j'en ai à les écrire !

Bonne lecture,
Emmanuelle